Lorsqu'en Aout 2011, au cœur de la vallée de la Fensch, l'un des deux hauts-fourneaux de Florange est mis à l'arrêt, certains le murmurent d'autres le taisent, mais tous savent que le second suivra et que, dès lors, c'est la filière chaude qui est menacée. Les ouvriers se souviennent de la brutale fermeture de l'aciérie de Gandrange et ses 595 suppressions de postes, deux ans plus tôt. Mais en réalité, la stratégie Mittal est en marche depuis plus longtemps et la fermeture du site de Florange n'en est qu'un point d'étape.
Le système Mittal
Presse, politiques ou syndicalistes, chacun y va de son petit nom pour qualifier Lakshmi Mittal : « carnassier », « requin », « ogre financier », « magouilleur ». En fait, c'est un capitaliste qui use des armes juridiques et financières qu'ont déployées les états, tout en jouant sur celles qui manquent pour protéger les salariés. Sa stratégie ? Racheter des sites sidérurgiques et des mines au bord de la faillite sur les cinq continents et apparaître comme sauveur puis acteur incontournable de la production d'acier dans le monde. Depuis ses premières affaires en Indonésie, il s'est imposé à Trinidad et Tobago, au Mexique, au Canada, au Kazakhstan, en Afrique du Sud, aux Etats Unis, en Algérie…et en Europe. Pour assurer ses investissements et ses bonnes relations, il siège aux conseils de surveillance de grands groupes tels qu'EADS, ICICI Banks ou Goldman Sachs. Il rachète, restructure, augmente la productivité, pressurise les salariés, licencie à tour de bras[1], et ferme si le rendement n'est pas à deux chiffres. Prenons l'exemple du site de Cork en Irlande. En 1998, il rachète Irich Steel au gouvernement pour 1 livre symbolique. Trois ans plus tard, en un week-end, il le ferme en laissant sur le carreau 406 salariés et ses 200 intérimaires sans aucune indemnité. En 1999, Francis Mer (alors PDG du groupe Usinor) considérant que l'acier produit à Gandrange ne valait plus grand chose, vend le site pour 1 franc symbolique. En 2006, Mittal monte une OPA hostile contre le groupe Arcelor et possèdera ainsi les différents sites de la région. En contrepartie, il obtiendra du Luxembourg d'y conserver son siège social bénéficiant de juteux avantages fiscaux. Mais ce n'est pas tout, la France comme la Belgique et l'Union Européenne lui accordent des crédits d'impôts particuliers[2].
La poudre aux yeux
Mais en retour Mittal n'offre rien. Lorsqu'il s'engage sur des investissements[3] sur la filière froide à Florange, ils correspondent au minimum nécessaire pour le fonctionnement des infrastructures, rien pour des rénovations ou de la recherche. Lorsque le gouvernement wallon en Belgique s'oppose franchement aux fermetures de Liège[4], il accélère le processus et ferme aussi une grande part de la filière froide. Alors, quand il s'agit de reprise ou de nationalisation, Lakshmi Mittal peut se frotter les mains depuis sa tour d'ivoire londonienne : tandis que les gouvernements se déchirent, lui sait qu'il ne vendra certainement pas à la concurrence. Ce n'est tout simplement pas son projet. Depuis 2008, il a cessé d'investir sur les infrastructures causant de graves dégradations[5]. Si cela n'avait pas été le cas, Florange serait toujours l'un des sites les plus rentables d'Europe. Loin des médias et des gouvernements, celles et ceux de Florange comme de Liège continuent de se battre. Mittal, n'est plus concerné. Il a fait plier tous ceux qui entravaient sa route. Retours en images sur des instants de lutte.
Marieau Palacio / Collectif Krasnyi