Il y a 110 ans, la catastrophe de Courrières

Billy Montigny / 05-03-2016 /

Quelques dizaines de personnes se sont rassemblées ce 5 mars dans les rues de Billy-Montigny (France) pour participer à la commémoration de la catastrophe de Courrières. Entretenant un travail de mémoire important, les Amis de la Fosse 10 de Billy essayent à tout prix de ne pas oublier cette épisode de notre histoire.

En effet, la catastrophe de Courrières est la plus importante catastrophe minière d’Europe. Le 10 mars 1906, à 6h du matin, comme tous les jours, plus de 1600 mineurs et galibots descendent dans la mine. A 6h34, un énorme coup de grisou suivi d’un coup de poussière d’une violence rare détruit en quelques secondes 110km de galleries de trois fosses. 1099 travailleurs y trouveront la mort.

L’explosion résonne dans toute la région et les familles accourent vers les fosses concernées. Des milliers de personnes prennent la rue pour recevoir des nouvelles d’un proche. Pendant les opérations de sauvetage, les gendarmes tiennent à distance la population choquée. Le 11 mars à 22h, les travaux de sauvetage sont définitivement stoppés et l’objectif principal est alors de préserver le gisement.

« Pour avoir du charbon dont le prix actuel laisse de gros bénéfices à la voracité capitaliste, on a envoyé à la mort, contre toute prudence, dans  les puits échauffés, des centaines de malheureux travailleurs » (Le réveil du nord)

Le 12 mars à 1h du matin, les puits sont scellés et les ventilateurs du puits N°3 démarrent afin d’en faire sortir l’air empêchant ainsi tout sauvetage. Le 14 mars un bilan définitif est donné : 429 morts dans la fosse N°3, 506 morts à la fosse N°4 et 162 morts à la fosse N°2.

Plus de deux cent corps non identifiés seront enterrés dans une fosse commune que l’on appelle le silo. Lors des obsèques officielles, l’ingénieur en chef et le directeur de la compagnie sont hués par la foule qui crie « assassins » et qui scande : «  Vive la révolution, Vive la grève ! ».

« Et serait-il vrai que, par une funeste erreur, ceux qui dirigeaient les sauvetages, croyant qu'il n'y avait plus en effet d'existence humaine à   sauver, se sont préoccupés plus de la mine que des hommes ? » (Jean Jaurès  dans l’Humanité)

La colère gronde dans le bassin minier. Quelques jours plus tôt, des mineurs avaient alertés sur la présence de grisou au fond de la mine mais la Compagnie avait refusé d’entendre l’avertissement. D’autres incidents qui auraient dus être pris en compte ont aussi été niés. Les mineurs et leurs familles n’acceptent pas la politique de la compagnie qui a fait primer les intérêts de la compagnie avant de faire tout ce qu’il était possible pour sauver le maximum de mineurs. En effet, comme beaucoup d’autres après eux, les mineurs pensaient que de nombreuses autres vies auraient pu être sauvées si les opérations n’avaient pas été arrêtées aussi rapidement. Le 30 mars, 20 jours après l’explosion, treize mineurs arriveront d’ailleurs à regagner seuls la surface, ce qui renforcera la conviction des mineurs et de leurs famille. Un quatorzième survivant fut retrouvé le 4 avril.

L’émotion qu’a suscité la catastrophe et la colère face à la gestion des opérations de secours entraineront un énorme mouvement de grogne dans la région. Le lendemain des obsèques, les mineurs se mirent en grève en refusant de redescendre dans la mine et pour exiger de meilleures conditions de travail et de sécurité. Plus de 40.000 ouvriers étaient en grève fin mars. Clémenceau, alors ministre de l’intérieur, visite la région accompagné de 20.000 militaires dans le but de calmer les esprits. De nombreux incidents éclatent entre grévistes et non-grévistes, entre mineurs et gendarmes et soutenue par les syndicats, la grève s’étend finalement à tous les bassins miniers de France et même jusque dans le Borinage belge.

A la fin du mois d’avril, malgré la répression brutale, les grandes compagnies minières concèdent à des augmentations salariales, à la mise sur pied des tous premiers organes de sécurité au travail ainsi que l’instauration du repos hebdomadaire.

Il est important de ne pas oublier notre histoire. De nombreux travailleurs sont morts sur leur lieu de travail, dans la lutte sociale pour que l’on obtienne des avancées sociales significatives. Tous ceux qui aujourd’hui veulent nous faire oublier cette histoire sont aussi coupables que les dirigeants des compagnies minières du début du XXème siècle. La casse du code du travail voulue aujourd’hui par le gouvernement « socialiste » de Mr Hollande résonne fortement avec ces hommes, femmes et enfants qui se sont battus férocement pour que plus jamais une telle horreur ne soit possible.

Karim Brikci-Nigassa / Krasnyi Collective

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