Je les ai rencontrés un soir, à la sortie du métro, ligne 1. Ils ont accepté de s’ouvrir et de partager un bout de leur quotidien nocturne avec moi, en toute simplicité. J’ai réussi, grâce à leur confiance et leur gentillesse, à me sentir petite souris du métro parisien, un soir après la fermeture de celui-ci. Je les remercie de m’avoir si bien accueillie le temps de cet échange.
Laure Miège / Collectif Krasnyi
J’ai pu assister à leurs discussions allant du foot, à l’ancienneté dans la boite, en passant par leurs villes d’origine, etc. Mais surtout, ils m’ont appris beaucoup de choses tant sur leur métier que sur l’envers du décor métropolitain, scène pourtant tellement familière.
Ces fourmis, ce sont celles qui œuvrent à la maintenance des rails du métro durant la nuit. Il s’agira tantôt de réparer, tantôt d’entretenir, tantôt de surveiller d’autres fourmis sous-traitantes.
Plus exactement, leur boulot consiste à ramasser, réparer, remplacer les rails de métro. Il y a ceux qui sont abîmés, endommagés, et ceux qui sont complètement cassés. Il existe deux sortes de rails ceux des métros à pneus et ceux des métros classiques comportant des roues en acier. Les nouvelles rames construites aujourd’hui, le sont avec des pneus. Les agents spécialisés se rendent alors en train à l’endroit défaillant. Pour cela, l’électricité est coupée afin qu’ils ne risquent pas de s’électrocuter, et le train à batterie autonome (TMA) les prend sur son dos. A la main ou à l’aide de grues placées sur le train, ils embarquent les tonnes d’acier, et en placent d’autre. Chaque nuit est différente, toutes les missions ne se ressemblent pas, et c’est notamment cet aspect de leur travail que les hommes que j’ai rencontrés semblent apprécier.
Il ne reste aujourd’hui plus que 120 agents chargés de la maintenance des rails alors qu’ils étaient plus du double, il y a de cela quelques années à peine. Le travail, lui, n’a pas diminué. Bien que certaines missions aient été sous-traitées, quand celles-ci s’effectuent, il y a toujours une équipe d’agents RATP envoyée pour surveiller l’équipe sous-traitante, rapporter ces faits et gestes au cas où il y aurait quelconque souci. Les 120 de la RATP tournent en permanence en différentes équipes et sont donc amenés à tous se rencontrer une nuit ou l’autre. L’entente est généralement bonne d’après ce qu’ils m’ont dit, la solidarité présente, peut-être parce qu’ils bossent de nuit, peut-être parce qu’ils tournent par petites équipes. L’équipe que j’ai rencontrée était constituée de 4 hommes, comprenant leur chef d’équipe (c’était la nuit de son anniversaire !). Ils travaillent en moyenne de 22h45 à 6h du matin.
Mais parfois, quand il y a un problème non résolu, risquant de perturber le trafic métropolitain, ils restent les heures nécessaires en plus pour essayer, tant que faire se peut, de permettre aux fourmis de jour d’aller travailler. Pourtant ces travailleurs diurnes rarement se rendent compte de tous les efforts mis en œuvre pour les satisfaire. Ainsi, si les complications persistent aux petites heures du matin, les regards jetés aux agents du rail sont généralement culpabilisants, pleins de reproches, comme si c’était de leur faute si le métro ne roule pas comme il devrait.
Dans leur vie personnelle aussi ces ouvriers de la nuit semblent rencontrer les mêmes types de préjugés plus liés à leur rattachement à la RATP qu’à leur travail nocturne. Ces idées préconçues d’avantages sociaux, et de conditions de travail légères, attribuées bien souvent à la fonction publique, revient souvent sur la table des discussions avec leur entourage. J’ai pourtant pu voir de près des hommes dévoués à leur travail et prêts à remplir les missions qui leur sont attribuées jusqu’au bout, quitte à empiéter sur leur planning et leurs heures de sommeil.
Je salue donc par ce petit reportage photos, tous les agents de la maintenance ainsi que l’ensemble des travailleurs RATP, en espérant qu’un jour, autant les usagers que l’ensemble des travailleurs des services métropolitains se souriront et se salueront lorsque leurs chemins se croiseront.