Black Panthers Lives Matter

Il y a 50 ans, à Oakland aux États-Unis, fut fondé le Black Panther Party. Malgré une existence assez courte, les membres des Panthères Noires n’ont cessé de se battre pour défendre leurs droits et leur communauté en mettant toute leur énergie à appliquer à la lettre leur programme en dix points. Ce mouvement politique aura très certainement été l’un des plus puissants et des plus marquants du XXème siècle aux États-Unis.

Des milliers de jeunes afro-américains osaient ouvertement défier, le poing levé, l’establishment et la politique raciste américaine. Certes, c’était il y a un demi-siècle, mais les récentes violences policières dont sont toujours victimes aux États-Unis des centaines d’afro-américains à l’instar de Michael Brown, Eric Garner ou encore Tamir Rice semblent faire écho au combat exemplaire qu’ont mené les Panthères Noires.

A la lumière de l’actualité américaine et de la création du mouvement Black Lives Matter, il nous a semblé important de profiter de ce cinquantième anniversaire pour parler de l’histoire de ce Parti. La situation actuelle aux États-Unis pour la majorité de la population afro-américaine n’a malheureusement pas fondamentalement changé. La pauvreté endémique, les bas salaires, les tensions dans les ghettos restent le quotidien de beaucoup de travailleurs et de jeunes noirs américains. Certains se demanderont certainement quel est l’intérêt d’une telle exposition aujourd’hui en Belgique ?

Tout d’abord, nous pensons qu’il est de notre devoir de faire ce travail de mémoire aussi en Europe. L’expérience de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis et l’expérience d’une organisation comme le Black Panther Party sont cruciales pour comprendre notre société et les combats à venir. En réaction à la crise économique et sociale, les tensions dans nos quartiers seront amenées à s’accroitre. Le racisme se renforce à une vitesse inquiétante. Ne saurait être qu’aveugle celui ou celle qui ne voit pas que de nombreux jeunes font face aujourd’hui à une violence sociale et à une augmentation des discriminations racistes. Se pose aussi la question de la répression qui, même si elle n’atteint pas celle vécue dans les villes américaines, ne doit pas non plus être ignorée.

C’est pourquoi nous pensons qu’il sera crucial à l’avenir de discuter, de s’organiser et de se battre pour nos droits tout comme l’ont fait des millions de travailleurs et de jeunes à travers l’histoire à l’instar des Black Panthers. C’est pourquoi nous croyons que cette exposition a son intérêt ici, à quelques milliers de kilomètres de l’autre côté de l’Atlantique.

Il était malheureusement très difficile pour nous de restituer fidèlement l’histoire du Black Panther Party et ce n’était pas notre ambition. Il serait juste de nous faire remarquer aussi que de nombreuses critiques et leçons sont à tirer de leur histoire. Ce n’est à nouveau pas l’objectif de cette exposition et nous invitons vivement chaque personne intéressée à lire et à se documenter plus en profondeur sur leur histoire.

Pour conclure, lors du travail exploratoire précédant la préparation de cette exposition, il a été interpellant de remarquer que même à Oakland très peu de traces de la vie des Black Panthers ont subsisté. C’est une leçon que l’on peut malheureusement tirer pour la majorité des évènements qui ont façonné l’histoire des opprimés et c’est la raison d’être de cette exposition.

Octobre 2016

Karim Brikci-Nigassa, recherches, textes et photos

Manu Scordia, dessins

© Krasnyi Collective

Vous souhaitez visiter Oakland sur les traces de l’histoire des Black Panthers :

Notre mapping de la ville


Le livre de l’exposition est disponible au prix de 5€ / 10€ prix de soutien.

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Le dossier de l’exposition avec sa fiche technique

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A propos de Never Forget

Never Forget est une collection éditée par le Collectif Krasnyi. Nous partons du constat que l’histoire populaire, l’histoire des luttes sociales, l’histoire de leur répression par la classe dominante est consciemment occultée, ou en tout cas absente de manière visible dans les lieux que nous sommes toutes et tous amenés à parcourir quotidiennement.

Dans cette série, après un temps de recherches historiques et géographiques, nous arpentons nos villes et nos campagnes à la recherche des endroits où se sont déroulés les événements majeurs de l’histoire que l’on cherche à raconter. Des photographies de ces lieux contemporains sont capturées et ensuite interprétées par les dessinateurs qui tentent de reconstituer au mieux les événements historiques en question. Nous espérons que ces photographies dessinées vous permettront de découvrir ou redécouvrir un pan important de notre histoire.


“I am no longer accepting the things I cannot change. I am changing the things I cannot accept.”

– Angela Davis

MERRIT JUNIOR COLLEGE (1)
Au croisement de Martin Luther King Jr Way et de la 57ème rue

Huey P. Newton, alors jeune étudiant, s’inscrit dans ce collège en 1959. A cette époque, celui-ci était pour les jeunes afro-américains d’Oakland une des seules école publique qui offrait une vie culturelle et politique à une jeunesse en soif d’idées. Huey, déjà impliqué dans différentes associations y rencontre Bobby Seale, un autre jeune en recherche de compréhension et d’une perspective à la lutte des Noirs américains pour leurs droits. Ensemble, ils se politisent, lisent et discutent énormément. Ils y découvrent de nombreux auteurs dont Frantz Fanon, ce révolutionnaire algérien, né aux Caraïbes. C’étais au milieu des années soixante. Des mouvements nouveaux s’emparaient de la planète. Quelques mois après l’assassinat de Malcolm X et des émeutes sanglantes de Watts, en octobre 66, ces deux jeunes décideront de mettre sur pied une nouvelle organisation, le Black Panther Party for Self-Defense.

MAISON NATALE DE BOBBY SEALE (2)
809 57ème rue

“Nous ne combattons pas le racisme par le racisme. Nous combattons le racisme par la solidarité. Nous ne combattons pas le capitalisme exploiteur par le capitalisme noir. Nous combattons le capitalisme par le socialisme. Nous ne combattons pas l’impérialisme par un impérialisme plus grand. Nous combattons l’impérialisme par l’internationalisme prolétarien.” Bobby Seale

FEUX DE SIGNALISATION (3)
Au croisement de Market Street et de la 55ème rue

Quelques mois après leur fondation et l’écriture de leur programme en 10 points dans le foyer des pauvres de North Oakland, les premiers militants des Black Panthers veulent intervenir directement dans leur communauté. Des accidents à répétitions ont eu lieu au niveau d’un carrefour d’un quartier pauvre de la ville. Les habitants demandent depuis des années à la ville d’y installer des feux de signalisation, sans succès. A la fin de l’année 66, un nouvel accident se produit. Un jeune enfant noir du quartier succombe à ses blessures. Le BPP décide alors d’organiser la circulation jour après jour avec le concours des habitants du quartier. Le 1er août 1967, la ville installera les feux de signalisation demandés depuis des années. Leur première campagne de terrain sera un succès et leur permettra de se faire connaître dans leur ville d’Oakland.

PREMIER LOCAL DU BPP (4)
5624 Martin Luther Kink Jr Way

Ce qui commença le 15 octobre 1966 dans un quartier d’Oakland allait fonder des sections dans plus de quarante villes et des centres (National Fronts Against Fascism), qui regrouperaient des milliers d’adhérents, dans toutes les autres villes du pays. Chaque semaine ce sont 150.000 exemplaires du journal « The Black Panther » qui sont vendus. Il y eut un accroissement du nombre de programmes communautaires. Parmi ces programmes, il y avait le Service des Informations intercommunales, la Pétition pour un Contrôle Populaire des Actions de la Police, les Ecoles de la Libération, les Petits déjeuners gratuits, le Centre clinique gratuit,…

En trois ans, de 1967 à 1970, le BPP s’est transformé d’un petit groupe localisé à la Bay Area, en un parti d’envergure nationale fortement implanté dans les ghettos de la plupart des grandes villes des Etats-Unis. Jusqu’alors, la doctrine du Dr King de la joue tendue et de la patience chrétienne calmait les hantises de l’élite Blanche. Le BPP était l’antithèse du Dr King. Il ne croyait pas aux bienfaits de la joue tendue. Il était dans ses orientations socialiste et révolutionnaire.

PATROUILLES ARMEES (5)
Au croisement de la 37ème rue et de la Martin Luther King Way

Dès les premiers jours du Parti, en 1966, l’organisation prit au sérieux la question des services à rendre à la communauté. C’était, pour elle, un moyen de montrer au peuple noir à quel point elle entendait être impliquée dans la défense de la communauté, y compris contre ces personnages haïs et craints : les flics. Au cours de la révolte de Watts, à laquelle participa Huey Newton, la communauté avait créé des « patrouilles d’alerte ». Elles avaient pour tâche de défendre les Noirs contre les brimades et les violences policières. Huey Newton en tira l’idée de former à Oakland des patrouilles du même genre mais cette fois en les armant de fusils. Conformément à la loi californienne, des patrouilles anti-police furent alors équipées d’armes, de caméras, de magnétophones, de livres de loi,… Les membres de l’organisation suivaient les voitures de flic en service dans les quartiers noirs. Elles intervenaient comme témoins et conseillers juridiques à l’occasion de chaque interpellation, arrestation, vexation ou violence de la part des forces de l’ordre. Ces patrouilles d’auto-défense eurent un grand succès et amenèrent beaucoup de jeunes à adhérer aux Panthères Noires.

LITTLE BOBBY HUTTON (6)
Au croisement de la 7ème rue et de Broadway

Ce jeune homme est le premier membre et trésorier des Black Panthers. Il rejoint le parti alors qu’il n’a que 16 ans.
Le militant lambda du Parti avait entre 17 et 22 ans. Il habitait dans des maisons ou des foyers avec d’autres Panthers, travaillait durement toute la journée sans être payé. Il ne possédait rien. Leurs amis, leurs camarades, leurs amoureux ou leurs amoureuses, étaient des membres du Parti. Le militant se levait à l’aube et arrêtait son travail au crépuscule. Il se dévouait à toutes les tâches requises par les nombreux programmes et par l’action militante – préparer le petit déjeuner pour les gosses des écoles, faire du porte-à-porte pour recueillir des signatures sur une pétition, pour récupérer des vêtements, vendre le journal,…
Leurs bureaux étaient comme des ruches. L’activité y était incessante. Des gens du quartier venaient les voir avec toutes sortes de problèmes. Les problèmes des habitants devenaient les leurs.

MEURTRE DE LITTLE BOBBY (7)
1218 28 ème rue à hauteur de Union Street

Deux jours après l’assassinat de Martin Luther King, le 6 avril 1968, Eldridge Cleaver et Little Bobby Hutton furent acculés par la police dans une maison d’un quartier pauvre d’Oakland. Après une longue fusillade, les deux Panthers sortent nus et les mains en l’air. Après lui avoir ordonné de courir, Little Bobby, à peine âgé de 18 ans, sera froidement abattu par les policiers.

PROCES de HUEY NEWTON (8)
Au croisement de la 12ème Rue et de Fallon Street

Les heurts avec la police se multipliaient à mesure que la notoriété du Parti progressait. Le 28 octobre 1967, une fusillade éclata à la suite du contrôle du véhicule de Huey Newton. Un officier de police, John Frey, est tué. Newton est touché par quatre balles dans l’abdomen. Arrêté par la police, il est accusé d’homicide volontaire. Le procès débuta le 15 juillet 1968.

Une campagne d’envergure nationale, intitulée « Libérez Huey ! », est organisée par le Parti. Orchestrée par Kathleen et Eldridge Cleaver, deux nouveaux venus dans l’organisation, elle atteint rapidement une dimension nationale et permet le rapprochement avec des organisations de la mouvance radicale américaine. Newton sera libéré sous caution en 1970.

ENTERREMENT DE GEORGE JACKSON (9)
Au croisement de West Street et de la 27ème rue au 2624

George Jackson était un jeune de 18 ans condamné à une peine de 1an à la prison à vie pour un vol de 70 dollars dans une station essence. Il se radicalisa en prison et rejoignit idéologiquement les Black Panthers. Auteur du livre « Les frères de Soledad », sa vie était guettée depuis longtemps par ses tortionnaires. Il fut abattu lors d’une révolte de prisonniers dans la cour de la prison de San Quentin dans des circonstances qui restent à ce jour non éclaircies. Le 28 aout 1971, la cérémonie de funérailles de George Jackson eut lieu dans l’église emblématique des Panthers à Oakland. Cette église était utilisée depuis longtemps pour les programmes alimentaires et scolaires du parti.

“Précipitez-moi dans l’autre monde, la descente en enfer ne me changera pas. Je reviendrai en rampant pour me cramponner à sa trace à jamais. Ils n’échapperont pas à ma revanche, jamais, jamais. Je suis de ces justes qui ne se mettent pas vite en colère, mais dont la rage ne se trompe pas. Nous serons tant à nous rassembler à sa porte que le bruit de nos pas fera trembler la terre.”

– George Jackson

DE FREMERY PARK (LITTLE BOBBY HUTTON PARK) (10)
Au croisement de Adeline et de la 14ème rue

En réaction à leur croissance numérique et à leurs nombreuses activités, le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, affirma, en juillet 1969, que le BPP constituait la « menace la plus importante pour la sécurité intérieure du Pays ». Entre 1956 et 1971, le programme de contre-insurrection COINTELPRO du FBI avait fomenté 295 opérations contre des groupes noirs, dont la plupart contre les Panthers. 27 d’entre eux furent ainsi assassinés entre 1968 et 1976. Divers membres sont restés plusieurs années en prison à la suite des dossiers du COINTELPRO, dont certains demeurent incarcérés encore aujourd’hui.

Le Parti, trop rapidement épuisé par la plus féroce des répressions, le meurtre policier systématique, l’exil forcé et les déchirements fratricides ne se relèvera pas. Il vint finir ses jours sous la forme d’une organisation réformiste et électoraliste. 1982 signe l’acte de décès du BPP. Le journal cessa de paraître; les programmes d’aide du Parti s’arrêtèrent.

LIEU DE L’ASSASSINAT DE HUEY (11)
1456 Center Street

En 1989, alors que la BPP avait déjà disparu depuis plusieurs années, Huey P. Newton, leader historique du mouvement est assassiné par un dealeur dans une rue du sud d’Oakland. Ses derniers mots auraient été : « Vous pouvez tuer mon corps, mais vous ne pouvez tuer mon âme. Mon âme vivra éternellement ! ».

“Le Parti des Black Panthers est mort ; les forces qui l’ont fait naître sont bien vivantes.”

– Mumia Abu Jamal


Bibliographie : 

–    Angela Davis, autobiographie, Editions Aden.

–    Bobby Seale, Seize the Time, Classic Press.

–    Mumia Abu-Jamal, We want freedom – Une vie dans le BPP, Le temps des Cerises.

–    Georges Jackson, Les frères de Soledad, Folio.

–    Daniel Guérin, De l’Oncle Tom aux Panthères Noires, Les bons caractères.

 



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